Un propriétaire ne peut pas déduire de ses impôts les intérêts d’un emprunt contracté pour son acquisition, ni les éventuels travaux. Mais des solutions existent via une SCI. Décryptage de notre expert Philippe Van Steenlandt, docteur en droit et notaire.
Propriétaire de votre résidence principale ou secondaire, vous ne pouvez pas déduire de vos impôts, notamment de vos revenus fonciers, les intérêts d’un emprunt contracté pour son acquisition, ni les éventuels travaux d’entretien, de réparation ou d’amélioration que vous avez réalisés.
Certains conseils fiscalistes proposent alors de créer une société civile immobilière (SCI), qui se portera acquéreur de la résidence principale ou secondaire ou à laquelle ladite résidence sera vendue. La SCI louera ensuite le bien à l’associé.
Faut-il se laisser séduire par une telle stratégie, fondée sur une “location à soi-même” ?
I. L’intérêt fiscal de la location à soi-même
Déduction des intérêts d’emprunt et des dépenses de travaux
La SCI perçoit des loyers, puisqu’elle donne à bail la résidence principale. Dans sa déclaration de revenus fonciers, elle pourra alors imputer sur les loyers, les intérêts d’emprunt et les dépenses de travaux qu’elle aurait elle-même effectuées sur le bien.
Imputation du déficit foncier
Si l’imputation des intérêts d’emprunt et des dépenses de travaux absorbe l’intégralité des loyers, pour faire apparaître un déficit foncier, l’associé de la SCI, par hypothèse non soumise à l’impôt sur les sociétés, sera en mesure d’imputer ce déficit sur les autres revenus fonciers qu’il pourrait par ailleurs percevoir.
L’associé serait même autorisé à imputer ce déficit foncier sur son revenu global pour la part qui provient de l’imputation des dépenses de rénovation sur le bien. Nous l’aurons compris, dès lors que des travaux importants sont prévus sur une résidence principale ou secondaire, l’acquisition à travers une SCI ou une vente à une telle SCI peut constituer une stratégie défiscalisante très avantageuse.
Diversification du patrimoine
Dans l’hypothèse où le propriétaire vend sa résidence à une SCI, celui-ci peut remployer le prix dans des produits d’assurance-vie ou des contrats de capitalisation par exemple, ou encore dans d’autres actifs immobiliers, de rendement cette fois.
II. Le risque fiscal de la location à soi-même
Evidemment, une telle stratégie, permettant de sensiblement réduire ses impôts, n’est pas sans risque.
Les tribunaux sanctionnent régulièrement sur le terrain de l’abus de droit les contribuables les plus audacieux (en dernier lieu : CE, 9ème et 10ème Ch. Réunies, 8 févr. 2019, n° 407641) : l’opération n’est généralement pas motivée par un intérêt autre que fiscal.
Pour démontrer l’intérêt exclusivement fiscal, le juge relèvera entre autres le contrôle exclusif ou quasi-exclusif de la SCI par l’occupant du bien immobilier, l’absence d’autre actif dans la SCI, la brièveté du délai entre la création de la SCI et l’acquisition du bien immobilier, le financement intégral de l’acquisition et des travaux par l’associé occupant au moyen d’un compte courant d’associé…
En principe, le seul fait que le loyer corresponde à la valeur de marché est insuffisant à chasser l’abus de droit. Bien entendu, si le loyer, calqué sur le montant des échéances de l’emprunt contracté par la SCI pour l’acquisition, était inférieur à la valeur d’usage, le contribuable faciliterait la tâche du juge.
En conclusion, il faut se méfier des stratégies d’optimisation fiscale réalisées sans étude préalable et sans les précautions indispensables à leur bonne fin. Ce d’autant plus qu’à compter du 1er janvier 2020, le juge ne sera plus tenu d’établir l’intérêt “exclusivement” fiscal pour contester un schéma patrimonial : il pourra se contenter de relever l’intérêt “principalement” fiscal…
Article tiré de : Philippe Van Steenlandt – ©2019 LaVieImmo